top of page

Le Maharashtra : notre réconciliation avec l’Inde

C’est décoiffés, cernés et dégoulinants de sueur que nous débarquons à Mumbai après un trajet en train qui aura duré plus de 24h. Ce laps de temps nous transporte littéralement dans un pays différent. Alors que nous quittons le nord où les agriculteurs enflamment leur champ pour enrichir le sol à la suite de la dernière récolte, nous arrivons dans une ville cosmopolite qui nous fait oublier quelques difficultés des dernières semaines. Érigée sur une péninsule de la mer Arabique, la vieille ville de Mumbai nous fait penser à une ville côtière européenne autant par son architecture anglaise que son atmosphère chic. Ici, les taxis sont rutilants et les marques de prestigieuses voitures se côtoient dans les rues. Tout nous impressionne lors de notre trajet à vélo jusqu'à l’hôtel : les rues sont larges, propres et les gens respectent le code de la route! Le summum de la modernité, on croise même nos premiers feux de circulation depuis notre départ du Québec!



On est comme des enfants qui mettent les pieds dans une ville pour la première fois. Mumbai est un contraste désarmant avec la ruralité indienne dans laquelle nous avions été plongés jusqu'à présent et cela nous fait un bien immense! Je troque enfin mes pantalons pour des bermudas lorsque je vois finalement des femmes, coquettes, se promener les jambes et les épaules à l’air. Et dire qu’elles conduisent des voitures, vous croyez à ça, vous? À Mumbai, on oublie tout et on retrouve notre coeur d’Occidentaux le temps de quelques jours. (À partir de la prochaine phrase, vous pouvez commencer à nous juger). On se paye la traite : On va au McDo deux fois plutôt qu’une, on va au cinéma voir un film américain dans la capitale du bollywood, on boit de la bière et on mange des pâtisseries à l’air climatisé! Et on n’a même pas honte une seconde! On fait juste un peu le saut lorsque les gens se lèvent avant le film pour entonner solennellement l’hymne national...


Mumbai, la cosmopolite.



Rafraîchis par notre courte halte dans cette mégapole de 18 millions d’habitants, nous pouvons alors continuer notre aventure sur deux roues dans la province du Maharashtra. C’est sur un traversier que celle-ci débute et dès les premiers coups de pédale, la différence est frappante. Nous sommes entourés de plages, de complexes hôteliers et surtout, d’arbres! C’est calme, les routes semblent neuves et les gens nous sourient et nous envoient la main. Tout un contraste avec le nord! Le départ est lent, notre arrêt d’une semaine nous a quelque peu fait perdre le ryhtme. La côte du Konkan, que nous parcourons jusqu’à Goa, est un lieu de villégiature prisé pour les Indiens de Mumbai qui ont du fric et cela se ressent particulièrement jusqu'à Murud, où nous dormons la deuxième nuit.


Des enfants s’amusent dans le sable au crépuscule à Murud.



Après la première centaine de kilomètres, une côte authentique se dévoile à nous. Entre les plages plus populaires, ce sont de petits hameaux de pêcheurs colorés que nous traversons. Nous sommes instantanément séduits par le charme qui s’en dégage. Par contre, nous nous butons rapidement à des obstacles de taille : le terrain accidenté et la chaleur tropicale de la côte. Si nous pensions avoir chaud en frôlant les 40 degrés à Agra, ici c’est l’humidité qui écrase. La prochaine fois que vous irez dans la jungle, n’apportez pas un gilet en mérino, ce n’est vraiment pas optimal!


Les collines et la chaleur combinées nous assomment. Il est 7h du matin, cela fait à peine 30 minutes que nous sommes partis et j’arrive en haut d’une de ces interminables côtes qui meublent nos journées. Je n’ai jamais vu ça. Je sue de partout, véritablement. Les pores de ma peau sont en grève et rejettent la crème solaire que j’ai tenté en vain d’y faire pénétrer. Résultat, ma peau est une flaque d’huile blanche et luisante. Mon gilet est déjà tellement mouillé que je ne peux même pas m’essuyer avec. C’est comme si l’air s’était volatilisé pendant la montée. Je regarde Yan, lui, l’homme-qui-ne-sue-jamais, et qui est aussi détrempé que moi. On se dit ironiquement qu’on a vraiment choisi la saison idéale pour venir ici. On soupire, on répand notre sueur en essayant de s’essuyer et on continue.


Enfin une descente!



Malgré cette chaleur, nous sommes infiniment contents d’avoir choisi cette route. Nous empruntons pendant 9 jours l’autoroute MSH4 récemment asphaltée qui se rend jusqu’à Goa. Après quelques jours, (et ma frustration initiale) je commence à comprendre comment ils ont construit cette route. Les collines ici sont entrecoupées de rivières et de baies qu’il faut traverser alors habituellement, on suit cette routine plusieurs fois par jour : on monte une longue longue côte dans laquelle on sue comme je ne croyais pas imaginable, on arrive sur un plateau, on redescend, traverse une rivière et on recommence. Plus le plateau est long, plus on est content, parce que si on descend tout de suite après être arrivés en haut, on sait ce que cela signifie...


Pour mettre un peu de piquant dans notre aventure, il y a parfois des traversiers à prendre lorsque la distance est trop grande entre deux berges. Une fois, on arrive à un port à 7h30 parce qu’on se fait dire que le traversier commence à opérer dès 7h. Et puis, finalement, ça ne commence qu’à 9h. Bon, alors on tue le temps puis le traversier arrive un peu avant l’heure prévue. On se fait également dire qu’il doit y avoir au minimum 30 personnes pour que le traversier parte. En regardant autour de moi, je me dis que nous sommes bien loin du compte. Le traversier en question, ressemble plus à un bateau de pêcheur avec un toit et ce sont des pneus qui font office de bouées. Nous embarquons les vélos dans la chaloupe et attendons gentiment que le bateau parte. Et puis, presque l’instant suivant, une tonne de gens arrivent et veulent embarquer dans le traversier... avec leur moto! Il y en a plus d’une dizaine, c’est impossible de toutes les faire entrer! En plus de cela, il n’y a pas de rampe, le bateau vogue entre les vagues et il faut soulever les motos à bras pour les faire entrer sur le traversier. Le monsieur du traversier nous regarde et tente de nous faire comprendre quelque chose.


« Yan, je pense qu’il veut mettre nos vélos sur le toit! »

Le bordel de motos sur le traversier!



En effet, c’est ce qu’il veut. On leur fait comprendre qu’on ne veut pas et qu’ils n’ont qu'à mettre les motos sur le toit à la place. Les gens se moquent de nous gentiment, c’est tout de même cocasse. Ils commencent à charger les motos sur le bateau. Lorsque le plancher est rempli, ils en mettent à califourchon sur les plats-bords. Et retenus par une ficelle... On n'en croit pas nos yeux, ça leur semble bien normal de procéder ainsi! Au final, 13 motos, deux vélos et près d’une quarantaine de personnes prennent place sur le minuscule traversier. Je ne suis pas certaine que les pneus seront suffisants pour retenir tout ce poids... Mais trente minutes plus tard, nous arrivons à bon port. Ouf!


Les traversiers que nous prendrons par la suite, gérés par l’état, seront beaucoup plus sécuritaires et nous en prendrons bien une demi-douzaine. C’est ainsi que nous traversons la côte, avec des vues parfois spectaculaires de la mer. Fait intéressant, près des villages sont bâtis des forts qui, construits à quelques centaines de mètres de la côte, permettaient de protéger les populations locales dès le XV ième siècle! Paraît-il qu’ils sont imprenables et que c’est la raison pourquoi ils sont encore debout de nos jours!


Le fort de Janjira.



Nous avons trouvé un gros avantage à pédaler dans la chaleur oppressante de l’été indien : les mangues! Je n’imaginais pas les manguiers si gros et surtout, aussi fournis en fruits! Nous pédalons à travers les plantations de mangues et sous les cocotiers la plupart du temps et pouvons donc déguster ces délices à des prix imbattables! C’est si agréable que d’être entourés d’une nature aussi verdoyante et luxuriante et de voir la mer à chaque jour. Si ce n’est de la chaleur, ce parcours est, au niveau du cyclotourisme, un bijou inconnu que nous sommes bien contents d’avoir trouvés. Nous sommes tout de même heureux d’être arrivés à Anjuna, car nos corps commençaient à nous demander pitié.


Ariane qui profite d’une pause pour boire de l’eau de coco!



Une fois encore, le changement de province s’est fait ressentir. Le « no man’s land » d’étrangers que représentait la côte du Maharashtra est devenu le paradis du hippie à Goa. En traversant le pont qui mène à Goa, plusieurs choses changent : le traffic s’alourdit, on voit des blancs en scooters et, le plus important, les bars et magasins d’alcool pullulent. Goa étant la seule province de l’Inde où il n’y a pas de taxe sur l’alcool, c’est ici que les vacanciers tant Indiens qu’étrangers viennent faire la fête et se prélasser sur la plage. Ah non, c’est vrai, les Indiens ne font pas vraiment cela se mettre en maillots, ils préfèrent de loin se baigner tout habillés!


Après les 600 km parcourus dans les derniers jours, nos jambes ne demandaient pas mieux qu’un repos bien mérité! Nous repartirons après une semaine de « vacances » sur la côte et traverserons Goa et la côte du Karnataka avant d’atteindre le Kerala et ses « backwaters », ce réseau de canaux internes qui fait sa renommée. Plus qu’un mois avant que la mousson débute mais croyez-moi, avec la chaleur qu’il fait présentement, on ne rêve que de cela, un peu de pluie!


Un village de pêcheurs dans la lueur du matin.

bottom of page